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Le retour du bureau fermé pour la Direction ? Le point de vue d'Adrien Pouillot, Planneur Stratégique chez Factory


Etudes

6 novembre 2023

Openspace ZenChef

Dans un monde en constante évolution, le débat sur la configuration des espaces de travail n'a jamais été aussi brûlant.

Santarelli - Espace de travail
Santarelli - Vue partielle

L'organisation de nos bureaux, qu'ils soient ouverts ou fermés, proche ou non des salariés ou des managers a été le sujet de discussions enflammées à la fois au sein des entreprises et dans les médias grand public.

Au cours des dernières années, des personnalités telles que Mark Zuckerberg, Michael Bloomberg et Reed Hastings ont abandonné les bureaux privés au profit d'un espace de travail ouvert. A la suite des retours dans les bureaux post-covid en 2021, 63% des salariés Français, voulaient un bureau individuel fermé.

Les Echos titrait même en 2023 « La fin du bureau fermé pour les managers, bonne ou mauvaise nouvelle ? »

Le Paysage Évolutionnaire des Espaces de Travail

Alors que les entreprises réduisent leur empreinte immobilière et repensent la disposition de leurs bureaux pour s'adapter à l'avenir du travail, de plus en plus axé sur la collaboration et le télétravail, elles éliminent également les bureaux privés, tant pour les employés que pour les cadres dirigeants.

Cela ne signifie pas pour autant que les managers souhaitent tous être au même bureau que les salariés. D’après Franck Pétel, chercheur à l’Essec « Beaucoup d'entreprises sont encore attachées aux bureaux cloisonnés pour leurs managers ».

Cette tension suscite de nombreuses questions, tant pour les entreprises que pour le monde du travail en général :

  • Que veulent vraiment les employés, les managers et les dirigeants ?
  • Quelles sont les implications opérationnelles ?
  • Quelles sont les limites de cette transition à l’espace fermé à l’espace ouvert ?
Bureau fermé Voodoo
Voodoo - Espace de travail

Les Attentes des employés vs. Les managers : la lutte des places.

L'essor du télétravail depuis 2020 a été largement accepté par de nombreux salariés, poussant certaines entreprises à envisager des modèles de travail hybrides ou entièrement à distance pour économiser sur les coûts immobiliers. Toutefois, les préférences varient selon les générations, les catégories professionnelles et les emplacements géographiques.

Les jeunes et les cadres sont plus enclins à poursuivre le télétravail, tandis que la majorité des salariés préfèrent encore les bureaux traditionnels avec des postes attribués. Cette préférence s'explique par le besoin d'interactions sociales, de collaboration informelle et de séparation entre vie professionnelle et vie personnelle.

La sanitarisation du lieu de travail a ainsi émergé comme une demande forte, selon une étude* menée par la chaire Essec Workplace Management. 63% des salariés interrogés souhaitent travailler dans un bureau fermé individuel contre 5% en open-space. Les deux tiers des salariés, 63%, veulent désormais un bureau individuel fermé. Et 16% sont pour un bureau fermé partagé. Un mini open space, à taille humaine

En parallèle le cloisonnement hiérarchique est remis en question, comme le montre l'exemple d'HSBC, où les hauts dirigeants ne travailleront plus dans des bureaux fermés mais dans des open spaces.

Le directeur général, Noel Quinn, explique que cette décision découle de la volonté de favoriser les interactions informelles avec les collègues et de s'adapter aux nouvelles préférences des employés pour la flexibilité. Cette tendance à l'absence de bureaux attitrés est en hausse, soutenue par la généralisation du télétravail et vise à réduire les coûts en fournissant moins de postes que de salariés. Cependant, la question de la confidentialité demeure.

Mais attention, pour que ce système fonctionne et que les managers « acceptent de se priver de mètres carrés au profit des autres », il faut que l'espace réponde aux besoins de tous, insiste Charles Bourdeaux. En clair, « qu'il y ait des phone box pour s'isoler ou passer un coup de fil, des petites salles pour discuter à trois ou quatre, des espaces plus grands pour échanger à une dizaine… »

L'open space présente des défis majeurs pour les travailleurs, selon l'INRS, avec 53 % des salariés en open space trouvant le niveau sonore trop perturbant pour leur travail. La réduction de l'espace personnel, avec une augmentation de la densité dans les bureaux, conduit à des problèmes tels que le manque d'intimité, le bruit excessif, une diminution de la productivité, et un niveau de stress accru. Des études ont même montré que les travailleurs en open space ont deux fois plus de chances de prendre un congé maladie par rapport à ceux en bureau fermé.

Et demain, tout le monde sera logé à la même enseigne ?

bureau oh my cream

Au-delà du pivot du marché vers des espaces toujours plus flex : et si on donnait aux salariés et aux managers la possibilité d’avoir des espaces plus hybrides, fermés ou ouverts aussi pour s’isoler, se retrouver et travailler dans des espaces adaptés.

Les 3 composantes du bureau de demain : Pouvoir s’isoler pour se concentrer dans les espaces adaptés (42%), encourager le travail d’équipe et la collaboration (32%), favoriser le bien-être : hygiène (33%), nature (32%) et repos (22%))

Source SocioVision 2021

Au-delà des bureaux ouverts/fermés qui impactent le quotidien des salariés, des managers et de la direction : et si le gros enjeu était la distance qu'ils peuvent avoir avec eux ?

Le symbole d’un bureau fermé est moins fort que la distanciation réelle entre les équipes comme le montre l’enquête de Olivier Godechot directeur du CNRS au CRIS (Le Centre de Recherche sur les Inégalités Sociales)

La « ségrégation » socio-économique au travail augmente dans de nombreux pays. Celle-ci se traduit par une concentration croissante des salariés les mieux rémunérés dans un nombre limité d'établissements, les éloignant de leurs collègues gagnant moins. Les principaux facteurs contribuant à cette ségrégation sont la désindustrialisation, la restructuration des entreprises et la digitalisation. Cette tendance pourrait entraîner des répercussions sur la cohésion sociale et soulève des questions quant à l'équité au travail et à l'impact des réformes sur les inégalités.

Il est donc crucial de prendre en compte toutes ces dynamiques de distance lors de l'élaboration des espaces de travail pour : améliorer les conditions de travail, à réduire les disparités économiques et favoriser le lien social.


Adrien Pouillot, Planneur stratégique, Factory